n°3

Description

Date de publication: 1998
Éditorial
Sébastien Marot
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Un même fil attache le bouquet des textes pourtant très divers que nous livrons ici. Qu’ils soient l’œuvre de théoriciens, de critiques ou de jeunes gens qui se déplacent et réfléchissent, tous ces essais aident à mieux percevoir et mieux comprendre les transformations qui affectent les territoires à l’époque de la suburbanisation. La « construction du territoire », l’évolution de son paysage, les usages et les mécanismes qui le refaçonnent, enfin les moyens que nous pouvons avoir d’agir sur ces derniers afin de ménager le futur de nos environnements, tels sont en somme les sujets dont ces textes, dans leur assortiment, nous invitent à débattre.

Cette confrontation de points de vue, mais aussi de situations, nous avons choisi de l’ordonner en allant peu à peu de la campagne vers la ville. Comme le montre Charles-Henri Tachon à travers la visite des divers aménagements qui ont récemment modifié l’aspect de son propre village viticole en Bourgogne, tout se transforme dans les « campagnes éternelles », même là où une économie rurale est assez forte pour se maintenir puissante et où apparemment rien ne change. Ce témoignage réfléchi d’un jeune architecte sur les mutations des lieux de son enfance pose concrètement la question des logiques qui président ordinairement à ces transformations ainsi que celle des moyens que nous aurions de mieux exploiter les cultures constructives dont nos paysages sont les résultats. Ce premier article illustre à propos d’un lieu précis ce que le suivant s’emploie justement à mettre en évidence sur un plan plus général : à savoir que toute parcelle de territoire, rurale, suburbaine ou urbaine, est un ensemble de raisons construites dont il n’est pas vain de dresser l’inventaire. En conjuguant l’attention théorique et l’œil du photographe, Andréa Felicioni, lui-même jeune architecte au Tessin, nous offre ainsi, sous la forme d’une classification raisonnée, un outil pour mieux lire et analyser les situations construites, au-delà ou en-deçà des seuls «édifices» qu’elles comportent.

Car l’un des défauts de notre siècle de suburbanisation pressée est sans doute de n’avoir pas su assez considérer cet au-delà des bâtiments, ni par conséquent le ménager autrement que comme un résidu. Sous un titre lapidaire qui résume bien son propos, le troisième article, consacré aux évolutions d’usage et de statut des “intervalles de banlieue”, se présente donc comme une histoire du reste. À travers les regards de quelques témoins qui surent en capter des moments significatifs, François Béguin nous fait le récit d’une dépossession, qui nous permet du même coup d’envisager comment ces lieux d’échouage pourraient devenir les terrains d’aventure d’un possible réapprentissage.

Quant au texte qui clôt cette première partie, il nous ramène à Paris pour faire de nouveau, à bord de la galiote que prenaient nos ancêtres lorsqu’ils se rendaient à Sèvres ou à Saint-Cloud, ce fabuleux voyage dans le temps et dans l’espace qu’est toute promenade qui « passe un peu les barrières » entre ville et banlieue. Ce que nous avons souhaité montrer en republiant le beau texte de Louis-Balthazar Néel, deux siècles et demi après sa première parution, c’est justement cela : que toute visite est un embarquement dans l’épaisseur historique et imaginaire du territoire, et que sous chaque ville se trouve une suburbia.

Mais toute cette attention portée aux cultures du territoire et aux traditions du suburbanisme, thème du dernier cycle de la tribune d’histoire de la SFA, serait assez vaine si elle n’était motivée par l’ambition de les mobiliser au service d’une réflexion prospective. Il s’agit bel et bien de comprendre les raisons (techniques, sociales, politiques…) qui expliquent à la fois l’importance et les caractères de la suburbanisation contemporaine. Aussi avons-nous choisi, dans la seconde partie de ce numéro, de donner la parole à un théoricien américain qui s’est fait à la fois l’exégète et l’avocat de cette déspatialisation urbaine, et qui a su fonder sur cette position une remise en cause éthique et politique des grandes traditions de l’urbanisme et de la planification.


Mon village en l’an 2000
Charles-Henri Tachon
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Les constructions du territoire
Andrea Felicioni
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Vagues, vides, verts
François Béguin
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Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer
Louis-Balthazar Néel
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Créer des environnements divers
Conversation avec Melvin Webber, Sébastien Marot
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L’ordre dans la diversité ou la communauté sans proximité
Melvin M. Webber
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La suburbanisation, phénomène mondial
Melvin M. Webber
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Melvin Webber, planificateur américain

Chronologie d’une pensée

Xavier Guillot
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